Olivier MAULINI
(JPB) Olivier est un ami d’enfance. Depuis et pour toujours. Ensemble, nous avons : côtoyé des soutanes de curé ; reçu des coups de pied au c… en colonies de vacances ; dirigé des camps de ski sans neige ; réalisé des films avec des enfants (La Berezina, Braquage au Crédit Suisse..) ; essayé d’élever nos enfants respectifs, en étant rarement d’accord sur la manière de s’y prendre ; refait le monde à plusieurs reprises. Et passé des nuits blanches à délibérer au sujet de l’éducation et du pourquoi cela marche ou non. Alors, je le laisse se présenter lui-même :
J’ai plusieurs fois mal tourné. D’abord fils, petits-fils et arrière-petit-fils d’entrepreneurs du bâtiment, j’ai choisi de devenir instituteur pour continuer de construire le monde, mais autrement. Puis j’ai à nouveau bifurqué, pour passer de l’école à l’institution chargée d’étudier ses pratiques et de former ses enseignant-es. Autant dire que j’ai deux fois trahi mon milieu : en devenant intello au lieu de manuel, pédago au lieu de praticien, brassant des matières toujours plus abstraites et fragiles comparées au béton armé de mes aïeux… Aujourd’hui mon compte est bon, puisque je dirige deux incubateurs d’idées facilement controversées : le Laboratoire Innovation Formation Education de l’Université de Genève (LIFE), un groupe d’une vingtaine de chercheurs et chercheuses étudiant le travail pédagogique pour participer à son évolution, en particulier dans l’instruction publique ; et l’Institut universitaire de formation des enseignant-es (IUFE), en charge de préparer la profession à l’exercice réflexif car de plus en plus complexe du métier. C’est que l’avenir de nos sociétés est de plus en plus incertain, que nous avons toutes les raisons de nous en inquiéter, et que les repères d’hier – des normes architecturales aux universaux culturels – perdent en évidence à mesure que nous manque le temps d’en délibérer. Le stress croît ainsi dans tous les milieux, celui de l’éducation pouvant se sentir particulièrement tenaillé entre un État soucieux de le standardiser et des familles lui demandant plutôt un service personnalisé. Cette double contrainte a de quoi désorienter les professionnel-les : elle peut contrarier et défigurer leur travail, user leur motivation, les désenchanter. C’est collectivement qu’ils peuvent alors rechercher le sens de ce qu’ils doivent construire au service de la société. Un chantier qui peut sembler permanent, mais qui (sans doute pour cela) m’intéresse définitivement : former les bâtisseurs et les bâtisseuses de demain, n’est-ce pas espérer qu’ils et elles sauront nous trahir en se détournant de nos errements… ?